
Entrebâillé il y a peu à la 6ème de Midi Deux, Zwei Kreise est un mec tout à fait sympathique qu’on avait contacté pour un autre projet à la base. Présent sur Monolith I, l’un de nos gros coups de cœur techno Oddworld de 2013, il nous avait aguiché. C’est le mot effectivement, quasi rien sur lui, impossible de savoir qui il est, comment se faire un avis ? Oui au final, on s’en fout un peu de savoir qui il est, lui le premier. L’anonymat peut avoir son importance dans un monde globalisant, ça lui laisse une certaine intégrité. Entre ambiances Star Trek et Livre de la Jungle, voici une interview détente par claviers interposés et le nouveau podcast JNSPUF de Zwei Kreise, excécrable germaniste mais excellent musicien.
Zwei Kreise… on a peu d’informations sur toi. Une présentation en longueur à ta façon, ça donnerait quoi ?
Parfois la raison pour laquelle il y a peu d’informations disponibles c’est qu’en réalité il y a peu d’informations en premier lieu. J’aime l’idée que l’anonymat dans la techno n’est pas tant une façon de masquer l’identité des producteurs parce qu’ils seraient connus, mais parce que leur vie est inintéressante et/ou banale, et un alias est une façon de se projeter en tant que quelque chose que l’on est pas. Ce qui est un peu mon cas. C’est pourquoi en général dans mes pages de bio sur les différents sites que j’ai investi pour partager mes morceaux, je mets des idées d’histoires, des retranscriptions de rêves ou des jobs imaginaires ou un peu débiles. Je m’amuse bien et puis ça permet à ceux qui visitent ces pages (qui sont en général chiantes à mourir, du genre les types inconnus qui ont une bio ronronnante et interminable sur leur soundcloud par exemple) d’avoir un truc sympa à lire. Puis je trouve qu’il y a un aspect très nombriliste dans la présentation, très “on se passe de la pommade”. On s’en fout un peu au final de la personne (surtout en musique électronique), ce qui est intéressant c’est plutôt essayer de savoir si la musique est bien et, si c’est le cas, essayer d’en savoir plus sur cette dernière. Donc non, pas de présentation. C’est plus drôle comme ça.
Faire ressortir tes idées sur de la musique électronique, était-ce une évidence ? Tu aurais par exemple pu faire des vidéos, ou un autre genre de musique.
Comment en est-tu arrivé à jouer sur la cassette Monolith I, du collectif .data ?
Gaëtan m’a contacté en … fin 2012 je crois ? Il m’a parlé de son idée de fanzine. Je ne sais plus comment il est tombé sur mes prods mais je crois que c’était par l’intermédiaire d’Alex Lehmann que je connais bien (et dont je suis un grand fan) qu’il avait contacté aussi pour être sur la cassette. On avait pris une bière un soir ou il était passé dans ma ville histoire qu’il me présente le projet et le collectif .data (je sortais du ciné ou j’avais été voir Blow Out de Brian De Palma, un de mes films préférés). Il est très sympa et plutôt calé en musique donc j’ai vite accepté, d’autant que les propositions de projet en France sont assez rares pour ne pas louper l’occasion.
Au final j’ai fait plusieurs morceaux, au fur et à mesure des changements d’orientation du projet. Ça a fini par aboutir sur celui qui est sur Monolith I, pour lequel la seule requête était “un morceau de à peu près 15 minutes”. Je voulais absolument bosser avec des voix, mais vu que je connais aucun chanteur dans la vraie vie, j’ai décidé de me tourner du côté de soundcloud. Karmatic Dreams, qui est notée en “featuring” sur Coral Loom Forage (qui n’est pas un anagramme, au fait) a en fait fourni tout le matériau sonore du morceau, via des extraits vocaux qu’elle a postés sur soundcloud en téléchargement gratuit. C’était assez rêvé pour le type de morceau que j’envisageais, vu que les enregistrements sont plutôt cheap avec un “grain” relativement prononcé (surtout au niveau du souffle du micro), et avec sa voix assez profonde j’avais rien besoin de plus au niveau sons, donc au final j’ai rien utilisé d’autre que ces samples pour faire le morceau.
Quels mots tu utiliserais pour décrire ton univers ?
Difficile à dire. J’aime à penser que ce que je fais est assez influencé par la science fiction, mais au final même si cela m’inspire beaucoup, les concepts que j’utilise pour mes morceaux tournent plutôt autour de thèmes plus terre-à-terre. “Conceptuel” serait peut être un mot d’ailleurs. Pour tout ce que je fais il y a un concept, ou au moins une idée, un scénario qui guide la production. Sans ça, je me retrouve avec un tas de morceaux sans connexion les uns avec les autres, et c’est impossible de trouver un fil cohérent, impossible de construire un album qui ait une direction propre. L’album sur lequel je suis en train de bosser en ce moment, par exemple, relate un crash d’avion sur une île qui n’apparaît sur aucune carte. Ça sonne un peu comme Lost dit comme ça mais au final on en est peut être pas si loin. Enfin j’aimerais bien en tout cas, au moins musicalement si ce n’est sur un plan thématique, même si il est à mon avis impossible pour moi d’égaler Michael Giacchino. Sinon “sombre” collerait bien aussi, je pense… Sans vouloir tomber forcément dans le pathos, la grosse majorité de ce que je compose ne respire pas non plus la gaieté folle. Pas forcément par design, mais plus de manière involontaire je crois, j’écris rarement ce que je veux et plus ce qui me vient sur le moment.
Et enfin, histoire de contraster, “humour”. Je pense que l’humour en musique, et même dans l’art en général, est très important. L’épidémie de sérieux récente, particulièrement au cinéma (incarnée notamment par Nolan et sa clique) a tendance à me taper sur les nerfs, du coup même si ça ne se voit pas forcément j’essaie toujours d’amener une note d’humour dans ce que je fais, si ce n’est dans la musique elle même tout du moins dans les noms des morceaux, par le biais de jeux de mots pourris, ou encore dans les artworks des pochettes, des choses dans le genre… Je pense que rien ne peut être réellement, profondément touchant d’un point de vue dramatique si il n’y a pas une touche de légèreté pour contrebalancer. Sans ça il n’y a pas de point de comparaison, et l’overdose de sérieux tourne au comique, mais involontaire cette fois.
Comment joues-tu tes morceaux en live ? Quel matériel est-ce que tu choisis ?
Je joue pas vraiment en live en fait. Enfin je n’ai jamais joué en live jusque là, dans le sens ou je n’ai pas de set live. Quand j’ai joué (pour la première fois d’ailleurs) à la Sixième de Midi Deux en Janvier (c’était vraiment top, public hyper cool notamment), j’étais en mode à l’arrache, avec une vieille version de Traktor et juste en jouant au dj sur deux decks. J’ai même pas de contrôleur, j’y étais à la souris et au clavier, de la même façon que j’ai fait le mix pour JNSPUF. J’avais juste prévu quelques tracks que je me disais que je voulais jouer absolument à ce moment là, au cas ou je m’en sortais tellement mal que plus personne ne me demanderait jamais de rejouer dans aucune autre soirée quelle qu’elle soit, mais sinon rien d’autre.
Mais si jamais je me mets à jouer plus régulièrement je prévoirai un “vrai” set live, avec des morceaux persos et des trucs originaux, ou au moins j’essaierai d’apprendre à synchroniser deux vinyles ensemble, parce que faut bien dire ce qui est, Traktor c’est super pratique mais c’est tellement simple qu’un singe pourrait s’en servir.
On est presque encore dans la happy new year, que peut-on espérer en 2014 pour toi ?
Sinon j’ai un autre projet d’album en cours mais celui là je pense que je vais passer le reste de l’année dessus, même si il y a déjà quelques morceaux de finis. L’album s’appelle Empersand (déformation du mot ampersand, le nom du caractère “&”), et dans celui là j’essaie de m’éloigner un peu de ce que je fais d’habitude, en proposant un album moins unifié au niveau sonore, mais plus varié, proposant des morceaux plus courts, plus longs, etc. Pour celui ci, le concept est différent, il s’agit de la vie de plusieurs personnages à plusieurs époques différentes, représentées dans les différents morceaux, et qui seront vécues à travers diverses phases de l’album.
À part ces deux projets solo, j’ai plusieurs collaborations sur le feu, notamment celle que je mentionnais plus haut qui en est à ses débuts, qui commence vraiment bien, je ne sais pas si ça va aboutir mais ce serait top, d’autant que le gars est ultra talentueux et à mon avis pas assez connu. Une autre est sous le nom Indite, avec un ami online de longue date, Martin Højer Frydkær (aka. Optic), on a déjà produit plusieurs tracks de house disjointe et barrée ensemble, mais on a envie de s’y remettre et de sortir enfin une première release sous ce nom, si tout se passe bien. Et puis d’autres gens que je côtoie régulièrement mais avec lesquels de “vraies” collaborations musicales pourraient bien se concrétiser (enfin je l’espère) en 2014, notamment Brian Grainger (plus connu sous son pseudo Coppice Halifax, un musicien américain ultra prolifique, un gars bourré de talent et vraiment adorable). Mais bon en général quand je planifie des trucs, rien ne se passe comme prévu, donc on verra bien.
Je Ne Suis Pas Une Fille — ZK mix by Zwei Kreise on Mixcloud