
Il y a quelque temps de cela, on a eu la chance et l’occasion de rencontrer Aufgang, qui a récemment sorti son 3e album, Turbulences. Rencontre avec un duo franco-libanais inspiré et inspirant, qui trace toujours son chemin entre classique, électronique, et musique orientale.
JNSPUF! : Pourquoi Aufgang ?
Rami : « Aufgang » ça signifie Ascension, ou progression, quelque chose qui va vers le haut. Ce choix est en lien avec notre musique qui est elle même fondée sur la progression. On part de mélodies assez discrètes, pour ensuite étoffer au fur et à mesure, jusqu’à arriver à un véritable « climax ». Tout nos morceaux ne sont pas construits comme ça, mais la plupart sont très progressifs.
JNSPUF! : Pourquoi en allemand ?
Rami : C’est un peu un hasard, on se baladait dans Berlin, et on a vu des escaliers qui montaient vers le haut d’un immeuble avec inscrit « Aufgang » dessus. Ca nous a vraiment inspiré pour nommer notre groupe autour de cette ascension.
Il y a aussi le fait qu’aucun de nous soit allemand et qu’on ne vient pas des mêmes pays tous les deux (NDLR : le duo est franco-libanais), on voulait un nom assez neutre.
JNSPUF! : Les médias ont du mal à vous classifier, comment vous définissez votre propre style ?
Aymeric : On trouve très cool qu’on ne puisse pas nous classifier, d’ailleurs on ne cherche pas du tout à se classifier. On essaye d’être identifiable dans notre absence de classification. On s’inspire de plein de courants musicaux très différents et on mélange tout ça pour en sortir notre musique. Le plus important pour nous c’est écriture et l’ADN qui transpire de notre musique.
Si on écoute notre discographie, même si le dernier album est encore différent des autres, on avait exactement la même remarque entre notre premier et deuxième album. Les médias nous demandaient toujours dans quel style on s’inscrivait. Pourtant, comme ces deux albums étaient tous les deux un peu plus instrumentaux, on nous faisait moins de remarque sur cette différence entre les albums.
Je pense que cette différence sur Turbulence est surtout du fait des voix, puisque l’écriture est assez similaire sur tous nos albums.
JNSPUF! : Un album beaucoup moins instrumental ?
Rami : Dans nos anciens albums, on utilisait plutôt la voix comme un véritable instrument, donc à degré moindre. Pour Turbulence, on a voulu poser des textes, et expérimenter cet aspect qu’on ne maitrisait pas forcément. On cherchait à enrichir vraiment la variété de ce qu’on propose. On est des touches-à-tout, on aime collaborer avec divers entourages, travailler sur divers technologies. On a aussi joué dans des festivals vraiment très différents, tous ces éléments symbolisent une certaine ouverture dans ce que l’on fait, et qui on est.
JNSPUF! : Dans quelle mesure votre musique est-elle le reflet de vos origines multiculturelles ?
Rami : On a voulu mettre en avant cette diversité culturelle, et faire passer un message de cohabitation, d’unité. Par les temps qui courent, le repli sur soi général, les gens ne se mélangent plus trop. Il y a de plus en plus de peur de l’autre, de crainte de l’étranger. On a voulu insister sur le dépassement de ces craintes. Moi je suis libanais, lui il est français, je suis arabe, il est européen et on arrive à faire de la musique ensemble.
(Aymeric : C’est pas toujours facile, mais bon, on y arrive quand même (rire)).
Rami : C’est toujours dans la douleur qu’on fait des belles choses, or on finit par créer quelque chose. On espère délivrer un message d’espoir, et du bonheur aux gens qui viennent nous écouter. Ca nous rend heureux de pouvoir être une forme d’ambassadeur de ce mélange culturel.
JNSPUF! : Comment vous vous êtes rencontré ? Durant votre passage à New York ? Quelle empreinte américaine dans votre musique ?
Aymeric : En fait, on se connait depuis le conservatoire de Boulogne à coté, donc ça fait un petit moment !
Rami : On a tous les deux étudiés à New York, mais à des périodes différentes. Aymeric était à la Drummers Collective, et moi j’étais à la Juilliard School. On s’est croisé quand même. Quand on a 20 ans et qu’on découvre l’énergie de la ville, la diversité des gens, des cultures, la liberté de création, c’est incroyable. C’est une ville qui regroupe tout le monde.
Du coup on a été énormément influencé par les codes de cette ville. C’est une ville qui vit, qui n’a pas d’étiquette. Que les gens viennent d’Inde ou d’Italie, quand tu es à N.Y, tu es New-Yorkais. Encore une fois, c’est ce mélange qui nous correspond.
Aymeric : Pour ma part, j’ai plus écouté des musiques cubaines et de la House à NY que du rap ou de la soul. J’ai associé cette influence à de la musique électronique. On a découvert tellement de trucs qui nous influencent encore maintenant. Donc ouais, c’est sur, New York prend une très grande place dans ce que l’on créé maintenant.
JNSPUF! : Comment vous composez ?
Aymeric : Alors d’abord c’est Rami qui m’envoie plein de trucs très différents et ensuite j’essaye de choisir quelques boucles, puis de les associer avec une rythmique un peu plus posée. J’essaye de cadrer un peu le projet.
Rami : Dans notre musique, c’est vrai que mélodieusement c’est plutôt compliqué, mais l’assise rythmique est plutôt simple et dansante. La rythmique est souvent binaire. On cherche un truc auquel les gens puissent s’accrocher assez facilement. Il ne faut pas oublier que le but de notre musique est de faire danser les gens, il y a un coté club dans ce que l’on crée. Or pour pouvoir danser, pour que les gens puissent s’exprimer dans nos concerts, il faut une assise rythmique assez stable, assez cadrée. Après, dans ce cadre là t’es libre de faire ce que tu veux, c’est ce qu’on essaye de faire.
JNSPUF! : Quelle question on vous pose trop souvent ?
Aymeric : Comment décrieriez-vous votre musique ? C’est une question à laquelle on n’échappe jamais. C’est intéressant de voir comment ça perturbe les médias de ne pas pouvoir nous classifier.
JNPUF! : Très bien, c’est noté, on évitera la prochaine fois.
Rami : (rire) C’est vrai que tu nous l’as faite aussi.
JNSPUF! : Quelle question on vous pose pas assez souvent ?
Rami : Celle là on nous l’a jamais faite pour le coup !
Aymeric : On me l’a déjà posée, mais on me la pose pas (assez) souvent : « Avec qui on aimerait faire un film ? »
JNSPUF! : La réponse ?
Aymeric : Stanley Kubrick (rire).
JNSPUF! : Une collaboration souhaitée ?
Aymeric : Mikky Blanco, c’est vraiment très cool, ou Nina Kravitz, j’aimerais bien faire un album avec elle.
Rami : Die Antwoort pour moi. Mais actuellement on collabore avec Agoria, qui est un très bon ami, sur son prochaine album. On a participé chacun de nous deux à des morceaux différents. J’ai co-composé avec lui son single qui es tout juste sorti et j’ai travaillé avec lui sur 2 morceaux en plus, Aymeric a travaillé sur 1 ou 2 morceaux.
JNSPUF! : Est ce qu’il y des artistes que vous aimeriez voir remixer vos morceau ?
Rami : Kraftwerk, j’aimerais bien (rire)
Aymeric : Ouais … c’est un peu fini Kraftwerk, moi j’aimerais bien Simian Mobile Disco, un truc comme ça !
JNSPUF! : Question HS : Vous qui avez vécu aux Etats Unis un certain temps, l’élection de Trump, ça vous inspire quoi ?
Aymeric : D’abord, ça m’inspire que le système des grands électeurs est une catastrophe. Ensuite, ça montre que tout peut arriver, et que les instituts de sondage sont vraiment des grosses merdes. Pour nous, Clinton c’est pas vraiment mieux que Trump, donc ça ne me fait pas plus peur que ça.
Rami : J’aurais voulu que Sanders passe, que ce soit Clinton ou Trump pour moi c’est pareil. Si Sanders était passé au second tour, il aurait surement été élu.
Aymeric : Du moins, si c’est Sanders qui avait été battu par Trump, la déception aurait été bien plus importante. En voyant un duel Trump / Clinton, il y a toujours cet affrontement bi-partite Républicain / Démocrate. Fondamentalement Clinton est associée à toutes les banques les plus puissantes, les mêmes banques responsables de la crise économique en 2008. Je t’avoue que je n’ai pas trop foi en les politiques quels qu’ils soient, c’est de pire en pire. Pour moi il n’existe plus vraiment d’ « homme/femme politique », Trump en est le plus grand exemple, maintenant ils sont tous des Businessmen. En France c’est pareil, ils cherchent tous à tirer leur épingle du jeu juste pour avoir un job. C’est ce qui plonge la politique dans une crise actuellement. L’Autriche nous a fait peur il y a quelques années, mais on en est assez proche actuellement.
Rami : Pour moi c’est la fin d’un système. On va toucher le fond et puis on va remonter. Mais pour l’instant le système tel qu’il est nous parait plus vraiment fonctionner, il devrait arriver à bout.
JNSPUF! : Merci à vous et à tout de suite pour le concert !